Chapitre 11

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Dans la chambre de Vilanel, une alarme résonna, un réveil assourdissant, suffisamment fort pour le tirer de sa transe. La domination gémit, se redressa dans son lit-œuf. El détacha les perfusions tranquillisantes de son bras et observa les environs, confus. 

Vilanel se trouvait dans un appartement inconnu. Sur les murs, des tapisseries sombres bloquaient la lumière extérieure, et toute incursion du réseau EL. Le sol était couvert de moquette rouge, pratique pour masquer les tâches. 

— Te voilà réveillé, tout beau tout neuf…

Une voix grave résonna dans la chambre, à travers une enceinte, posée sur une commode. Vilanel soupira, se leva, et sortit de la pièce. El arriva alors dans un grand salon, réaménagé en quartier général secret. Ici, dans cet appartement d’un quartier résidentiel lambda de Kokab, une dizaine d’agents de Géhenna travaillaient sur une table à manger, sur le canapé, ou à même le sol. Connectés à un réseau local, els analysaient des quantités astronomiques de données, travaillant à établir un modèle prédictif des évènements à venir. 

Dans la cuisine du logement, à part, un chérubin bidouillait des petits appareils de cristal. Vilanel l’observa. Ses longs cheveux couleur de nuit cascadaient dans son dos. Sa tunique de travail bleu marine était percée de trous, laissant ses centaines d’yeux scruter les environs. 

— Vélinel est mort, longue vie à Vilanel, sourit le chérubin, sans se retourner. 

— Ah, donc c’est ça mon nouveau nom ?

— Els l’ont prononcé lors du rituel, rappela le chérubin. 

— Je ne m’en souvient plus…

— Tu as lu le briefing ? 

— Je sais ce que j’ai à faire, râla Vilanel. Je l’ai lu entre les étoiles. 

— Ah ? Vraiment ?

— Que sais-tu, Asmodée ? demanda alors la domination. 

— Oh… Moi ? Rien… Je ne suis qu’un technicien. Regarde, je te prépare plein de petits gadgets. Un traceur, pour connaitre la position de Michaël à tout moment, un algorithme traqueur, pour le voir à travers les yeux de n’importe quel ophana du royaume, et bien sûr, ta propre boule de cristal dernier cri pour contenir tout ça. 

Asmodée tendit l’objet à Vilanel, qui le soupesa, un peu indifférent. 

— Fini les honneurs de Premier Ministre. Tu es maintenant un simple diplomate, un observateur. 

— Mmh, fit Vilanel. 

Les yeux de la domination étaient vides, sa mine inexpressive. Asmodée se mit à trépigner, et ne put s’empêcher de révéler :

— Nana avait raison. Phosphoros a prévalu. Burrhus est mort. 

Vilanel prit enfin vie, adoptant un air songeur. 

— Dans quel état est Michaël ? demanda-t-el. 

— Ça… Je ne sais pas… La Milice du Sanctuaire l’a récupéré à la sortie du gynécée. Puis el a été relâché et assigné à résidence dans le domaine royal. El va rejoindre Ennead mais d’abord, el va faire une marche de pénitence, de la cathédrale à la chapelle, malgré le bazar dans les rues. 

— Évidemment… 

— C’est Satanachia qui a organisé l’itinéraire. 

Vilanel sourit. 

— Où en sont les négociations de guerre ? demanda la domination. 

— Hod va envoyer des milliards de vertus militantes en renforts à Guebourah. Pour le peupl’aile, ça sera obligatoire. Mais pour les nobl’ailes, ça sera sur la base du volontariat.

Vilanel s’esclaffa. 

— Ahh c’est bien joué, ragea-t-el, dans un brusque revirement d’humeur. Le petit va encore s’en prendre plein la gueule !

— El survivra, dit Asmodée en haussant les épaules. El a tué Burrhus, el peut survivre à quelques peupl’ailes en colère. 

— Els seront des milliards dans les rues ! s’indigna Vilanel. 

— Des milliards de moustiques… Maïs ne t’en fait pas. El sera escorté. El sera sous notre surveillance. Sous la tienne, plus précisément. 

Vilanel soupira. 

— Nana viendra te prêter main forte d'ici à quelques mois. Sais-tu qu’el a récupéré l’ange Miel ? 

— Oh… Génial. Bravo à el. Tu l’as félicité aussi pour les enfants qu’el a génocidé ?

Asmodée ricana. 

— Aller vient, il est temps de t’équiper. 



Vilanel porta sa cigarette à sa bouche et dans un long souffle, laissa une fumée dorée sortir de ses narines. Installé sur la terrasse du très populaire café Mercure, el avait une vue sans pareille de la place de la cathédrale de l’Ecclésia, idéal pour profiter du spectacle. La foule était dense et agitée. Comme d’habitude, les vertus et les séraphins s’affrontaient, lancés dans des disputes et débats enflammés, littéralement. Excédés, certains séraphins crachaient le feu sur les vertus, pour tenter de les rendre confuses et désarmer leurs langues acérées. Mais en général, cela ne faisait que de les énerver davantage.

— Ces gens-là n’ont pas de travail ? marmonna Vilanel.

— Si mais els viennent là pour se détendre après leur service, répondit une vertu-serveur.

— Je plains leurs doms'.

Le serveur déposa devant Vilanel un assortiment de cocktails colorés, ainsi que des petites billes d’ambroisie, croustillantes et délicieusement épicées.

— En parlant de dom, c’est pas souvent qu’on voit une domination par ici, dit le serveur.

Vilanel leva enfin ses grands yeux noirs vers cet élohim amical, pour lui adresser une moue circonspecte. Son halo, fait d’or blanc, scintilla.

— C’est la première fois que je viens mais vous n’allez pas me faire croire que vous ne recevez pas de doms ici.

— Oh si, ria le serveur. Mais els sont tous dans le lounge, au dernier étage, entre collègues. Par contre vous, vous êtes seul sur la terrasse, tout en bas.

— Et alors ?

— Je voulais juste m’assurer que vous êtes à l’aise, que tout va bien.

Le serveur regarda furtivement autour de lui. La terrasse était en effet bondée, remplie d’élohim de haute génération, dont les halos brillaient faiblement. La majorité d’entre eux étaient évidemment des vertus très bavardes, mais il y avait aussi des anges, nimbés dans leurs lumières violettes, des puissances baraquées, des principautés troubadours et des ophanim beaucoup trop bruyants. Tous jetaient des regards intrigués à la domination de sept ou huitième génération. Grande et élégante, large de trois paires d’ailes, el faisait tache parmi la populace.

— Tout va bien, soupira Vilanel. Je n’avais juste pas envie de voir les tronches de mes “collègues” aujourd’hui. Je suis là pour quelqu’un d’autre.

— Ah ! Vous venez voir le Fitzarch évidemment ! Vous avez lu dans les étoiles et deviné qu’el sortirait aujourd’hui !

Vilanel prit une gorgée d’un de ses cocktails, sans rien dire. Le serveur se calma.

— Vous…vous êtes sûr de pas vouloir monter au lounge ? Vous aurez une meilleure vue.

Un ophanim déboula soudain sur la table de Vilanel, envoyant valser ses boissons.

— VUE EXCLUSIVE DU FITZARCH ! PLUS DE VUES ! PLUS PLUS PLUS DE VUES !

— Bon, ok, je monte.

Vilanel se leva, sa combinaison noire maculée d’ichor. Le serveur déploya sur el une thaumaturgie pour faire disparaître les taches, avant de l’escorter au lounge. L’endroit, situé au dernier étage de l’établissement, s’étendait sous une véranda ensoleillée et sur une moquette blanche éclatante. Autour de tables en argent massif, dans des fauteuils de velours argenté, de nombreux élohim discutaient dans une ambiance lumineuse mais feutrée. La plupart d’entre eux arboraient des halos de métal, et étaient donc des dominations ou des vertus de haut rang. Autour d’eux, des serveurs tirés aux quatre épingles circulaient, fluides, discrets et agiles. Vilanel fut conduit dans un coin du lounge, sur un fauteuil solitaire. La domination s’attendait à ce que plusieurs nobles présents ici viennent l’embêter, mais els ne firent que lui jeter des regards amusés et entendus. Eux aussi avaient lu entre les étoiles et deviné la sortie imminente du Fitzarch. Voir Vilanel, un diplomate de Satanachia ici confirmait leurs visions.

Ah, c'est bien, restez sages...

Tranquillement installé, Vilanel se remit à fumer en scrutant l’entrée de la cathédrale juste en face. Des régiments de centaines de puissances venaient de s’y déployer. Els installaient des barrières, derrières lesquelles des milliers d’élohim s’agglutinèrent bientôt, dont de très nombreux ophanim, qui se mirent à voler au-dessus de la foule. Ces ophanim espéraient capturer les meilleures images de l’évènement à venir pour les diffuser dans le réseau EL. Plus els auraient de vues, plus els monteraient dans la hiérarchie de la Vigie. Sous ce chaos, un chemin fut ainsi organisé pour laisser passer le Fitzarch. Ce dernier sortirai dans quelques instants pour commencer une très longue marche jusqu’à la Chapelle des vertus de l’autre côté du centre-ville, à presque dix mille années-lumière d’ici.

Vilanel tapa du pied, impatient. Les portes de la cathédrale s’ouvrirent enfin, sous les clameurs des élohim. Des centaines de principautés en sortirent, battant sur des tambours dorés. Puis ce fut au tour des séraphins de se révéler. Plus nombreux encore que les principautés, els marchèrent et volèrent autour du chemin. Du bout de leurs bras, els balançaient des encensoirs, qui répandirent une fumée dorée partout. Rapidement, des petites flammes purificatrices s’allumèrent au pied du public. Elles grandirent, pour devenir des incendies qui engloutirent les élohim dans une ferveur fiévreuse.

C’est une fois les flammes bien installées que Monseigneur Montseron fit son apparition. Au-dehors, les élohim s’agitèrent. Les principautés journalistes se précipitèrent, les séraphins chantèrent, les ophanim bourdonnèrent. Les occupants du lounge se levèrent à leur tour. Vilanel s’agaça. El avait besoin de calme. Alors el prononça un mot :

♂ — Chut.

En un mouvement, dominations et vertus se turent et retournèrent à leur place. Pendant ce temps, au pied de la cathédrale, le Fitzarch apparut, entouré de puissances en armure blanche. El portait une robe noire. Ses mains et ses ailes étaient enchaînées. Vilanel voulu observer son visage, mais el se situait un peu trop loin pour pouvoir le faire par el même. D’ici, el ne distinguait que ses longs cheveux noirs, fouettés par le vent. Vilanel, agacé, se retint de se lever. El se connecta au réseau EL et se résolut à passer par un ophana. L’algorithme d’Asmodée lui permit de le faire sans s’importuner des limitations sécuritaires. Là, el vit enfin la mine du Fitzarch, sombre et émaciée. Ses yeux bleus, mi-clos, étaient perdus dans le vague. La lumière de son halo était faible. L’enfant n’était pas el-même, hautement tranquillisé par de fortes thaumaturgies. Vilanel soupira.

— Élohim ! Un pénitent se présente devant vous ! clama Montseron de sa profonde voix. Michaël Fitzarch !

En un battement d’ailes, l’esprit de la jeune vertu s’ouvrit au réseau. À l’intérieur reposait un océan d’un blanc absolu, sans une vague à l’horizon. Les élohim se réjouirent. Els appelèrent Michaël, l’encouragèrent à descendre les marches de la cathédrale pour commencer son chemin vers sa chorale.

— Le pénitent renaîtra parmi les enfants d’EL, et rejoindra les siens par la volonté d’EL.

Ainsi, Michaël descendit et marcha sur les dalles de mercure qui pavaient la route. Aucune pensée ne vint déranger son esprit. Aucune douleur ne vint torturer son corps enchaîné. Les yeux grands ouverts, el ne fit qu’absorber les couleurs et les sons qui l’entouraient. Les flammes des séraphins le suivirent sans relâche. El pouvait sentir leur chaleur exquise. Leur couleur orangée brouilla sa vue. L’odeur de l’encens, forte et métallique, piqua son nez. Tout autour, marchant à ses côtés ou volant au-dessus d’el, el vit d’innombrables élohim lui tendre la main, sans pouvoir l’atteindre. Leur clameur était tantôt hystérique, joyeuse ou menaçante. 

Michaël ne perçu pas ces variations tout de suite. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’el réalisa qu’el croisait différentes chorales, traversait différents quartiers du centre-ville. Levant les yeux, el se sentit écrasé par les buildings vertigineux qui bordaient la grande route. Sous la lumière du sanctuaire, leurs structures de verre et de métal vivant ondulaient dans une chaleur étouffante. Des projecteurs multicolores coloraient le ciel mauve. Des musiques sublimes résonnaient. 

La marche n’eut aucune pause. Des mois durant, le jeune prince allait marcher jusqu’à atteindre la chapelle des vertus, située à une distance cosmique de la cathédrale. El passa la première partie de ce voyage dans un état de quasi-sommeil, serein et somnambule.

Au bout d’un moment, Michaël traversa une place, où les élohim jouaient aux échecs sur un terrain géant. Son regard hagard se posa sur le pion de l’archange noir, équivalent à celui du roi, qui affichait le visage taillé de son mentor, Raphaël en personne. Michaël l’observa tout ahuri alors qu’une émotion nébuleuse luttait pour émerger de son esprit. Soudain, le pion se transforma pour afficher une face enflammée. Effrayé, Michaël s’en détourna. 

Derrière le pion, Vilanel poussa son énorme archange-roi d’une case puis observa Michaël de ses yeux noirs perçants. Sa marche avait commencé il y a six mois déjà, mais la domination continuait de le suivre sans relâche. Malgré ses traits tirés, ses yeux hantés, Michaël se tenait droit et semblait plutôt bien supporter ce long voyage. Les séraphins le suivaient toujours de près, entourés par toutes sortes d'élohim. Certains venaient en touristes, mais la plupart ramenaient leurs chorales entières pour aider le prince dans sa repentance en lui adressant des chants. Des nuées d’ophanim filmaient ce spectacle sans relâche. Ainsi, le prince marcheur devint une attraction pour tout Kokab. Il n’était pas rare de croiser des élohim en pénitence marcher des cycles durant dans tous les quartiers de la capitale. Mais voir un prince céleste, nobl’aile parmi les nobl’ailes, faire cela était une totale anomalie. Les élohim se pressaient donc autour de lui sans lui accorder de répit. 

Ce rituel étrange qui durait depuis des mois n’était pas près d’être fini. Michaël n’avait parcouru qu’un tiers de la distance entre la cathédrale des séraphins et la chapelle des vertus. Mais au fur et à mesure, quelque chose se passa dans l’esprit nettoyé de Michaël. L’océan blanc se retira, des cristaux de sel se coagulèrent et les petites bulles mauves et orange se réunirent. Une lumière nouvelle remplit l’univers. Le halo de Michaël émergea, dans une glorieuse renaissance. À la moitié de son trajet, el retrouva son esprit. La première chose qu’el ressentit fut une angoisse monumentale. Son escorte lui envoya des thaumaturgies d’apaisement mais elles se montrèrent à peine efficaces. Alors que la vertu reprenait tant bien que mal conscience d’el-même et de son entourage, les séraphins l’empêchèrent d’interagir avec les élohim et lui bloquèrent l’accès au réseau EL. Chants et prières furent les seules choses qu’els lui permirent d’entendre.

Un jour, une lumière rouge se mit à baigner l’univers. Michaël leva les yeux. Sur la surface des buildings, l’image d’un désert rouge sous un ciel azur était projetée. À l’horizon se dressait un mur de ténèbres. Des puissances immenses, engoncées dans d’énormes armures rouges, fonçaient bravement vers les démons cachés à l’intérieur de la tempête. Michaël resta des heures fasciné par ce combat épique, qui se tenait à quelques kilomètres à peine de Madim, la capitale de Guebourah. La vertu fut obligée d’avancer mais ces projections se multiplièrent sur les bâtiments. Son émerveillement cessa lorsque sur la route, des élohim se mirent à lancer des projectiles sur ces images venues de Guebourah. Michaël sursauta. En observant la foule, Michaël remarqua que les halos de ces élohim n’étaient pas très brillants. Els étaient donc de haute génération, loin de la lumière originelle d’EL. En dehors des jours de fête, il était rare de les voir en centre-ville, mais aujourd’hui, els avaient décidé de venir caillasser tous les panneaux qui diffusaient des images de Guebourah. En même temps, beaucoup d’entre-els observaient Michaël, les yeux remplis d’une sévérité perçante. La colère déformait leurs visages. “Nobl’aile” crachaient-els. “Bien fait pour el”. Le cœur de Michaël se serra. “Je suis un nobl’aile certes mais je veux me battre pour vous”, voulu-t-el répondre. Mais sa bouche était fermée par une thaumaturgie de contrainte. Michaël grimaça, alors que de plus en plus de peupl’ailes venaient l’observer. Certains brandissaient à présent des affiches aux slogans scandaleux.

“Qu’EL maudisse les nobl’ailes !”

“Nobl’ailes = traîtres !”

“Petites vacances pour Michaël, Grand décès pour le peupl’aile”

La marche de la jeune vertu continua dans ce chaos, décuplant son stress. Ses mains se mirent à picoter, son ventre se tordit de douleur. Dans son esprit, un bouillonnement commença. “Guebourah va tomber !” lut-el sur l’affiche d’un éloha. Un autre tenait un panneau sur lequel étaient dessinés des nobl’ailes, agglutinés au sommet d’une tour d’argent au pied de laquelle les peupl’ailes mourraient dévorés. “Sacrifiez-vous, chair à démon !” disaient les nobl’ailes sur ces dépictions. L’esprit de Michaël s’agita. Les séraphins lancèrent encore sur el des thaumaturgies pour le calmer, sans grande efficacité. 

Quelques jours plus tard, une nouvelle distraction se présenta. Des nobl’ailes.

— La flamme rebelle s’est éteinte…

— On va s’ennuyer maintenant…

Kokabiel ? reconnu Michaël.

C'était bien el. El était là, accompagné d’une dizaine de vertus d'Ennead. Els observaient Michaël avec amusement. Raphaël n’était pas présent. Michaël ne put communiquer avec els. Mais el entendit tout ce qu’els dirent. Étrangement, les séraphins ne daignèrent pas bloquer ces communications.

— Par EL, el ne ressemble à rien.

— El a toujours la même tête, el ne changera jamais.

— Le retour du boulet…

Michaël serra les lèvres, l’estomac noué. Kokabiel cracha un venin qui le poussa au bord des larmes.

— On n'a qu’à l’envoyer el à Guebourah ! Ça satisfera le peupl’aile et ça nous débarrassera de ce chieur.

Le peupl’aile en dessous redoubla de fureur. Els se mirent à lancer des projectiles directement sur les nobl’ailes, qui n’eurent qu’à les dévier d'un battement d'aile. Voyant cela, les peupl’ailes trouvèrent une cible plus facile. Els se déchaînèrent sur Michaël, pour qui els semblaient avoir plus de ressentiment encore. La foule des accusateurs ne fit que grandir de jour en jour. Les puissances repoussaient sans grande conviction ceux qui l’attaquaient. Ces soldats manquaient de sévérité, sûrement parce qu’els partageaient les griefs de la foule. La situation culmina lorsque, par négligence des forces de l’ordre, le bouclier de lumière se brisa. Michaël fut arrosé de projectiles. Les élohim qui l’escortaient ne purent les intercepter. Les séraphins qui accompagnaient Michaël disparurent un à un. Ainsi, la jeune vertu se prit de la nourriture, des pierres et de la peinture. Sa façade impassible craqua. Son expression s'ouvrit, ses yeux, sa bouche, dans un effroi surprit. Jamais Michaël n'avait vu une telle chose, une telle violence entre élohim, un tel manque de respect envers un nobl'aile. Partout où el avait voyagé, à Hod ou bien dans le cosmos de Malkouth, Michaël n'avait été reçu que par des sourires et des acclamations. À présent, el était traité comme un démon à abattre. Comment était-ce possible ? Était-ce un cauchemar ? Une hallucination provoquée par le fantôme de Burrhus ? Pourquoi personne ne l'aidait ? Qu'avait-el fait de si grave pour mériter une telle chose ? Mensonges, mensonges, mensonges. On avait menti au peupl'aile. On leur avait balancé Michaël en pâture pour préserver la réputation d'un autre. Comment osaient-els ? Pensaient-els pouvoir mettre ainsi un Fitzarch plus bas que terre sans conséquences ? La fureur du Grand Architecte allait s'abattre sur Hod tout entier. Par EL ! Pourquoi attendre ? Michaël était fort, fier et bon. El n'avait besoin de personne pour le protéger, le soutenir, le venger.

Une petite troupe de vertu se fraya un chemin vers Michael. Els attrapèrent le jeune prince. Entravé, el ne put réagir.  Les vertus lacérèrent sa peau avec des bouts de verre et se mirent à lécher son sang doré. Michaël hurla. Avant même que l'escorte ne puisse réagir, les vertus disparurent. Mais la douleur des blessures qu'els avaient infligées foudroya Michaël. Devant el, le jeune prince ne vit qu'un tourbillon de visages pulsants de haine. Ses mains crispées se levèrent, nimbées d'un feu piquant. Sa bouche s'ouvrit.

☿ — AHH ! AH ! 

Une seconde passa, suivie d'un silence absolu. Les élohim s'immobilisèrent tous, dans Kokab toute entière. Le corps de Michaël gonfla, s’allongea en arrière. Des écailles suintantes de mercure déchirèrent sa peau. Des griffes énormes poussèrent au bout de ses doigts. Son nez s’allongea. Une boule de feu orange jaillit dans sa gueule. 

♂ — Chut !

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